Forts de la philosophie de gestion «Donner le bonheur de déguster de délicieux wagashi », nous continuons à travailler les yeux tournés vers le futur
Fondée à Kyoto au début du 16ème siècle, Toraya est une maison de pâtisserie japonaise traditionnelle (wagashi) établie depuis cinq siècles. Forts de la philosophie de gestion «Donner le bonheur de déguster de délicieux wagashi », nous continuons à travailler les yeux tournés vers le futur en considérant la nature, les producteurs, les clients et nous-mêmes comme ne faisant qu’un.
Monsieur Kurokawa vous êtes l’un des membres de l’Association les Hénokiens, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
> Mitsuharu Kurokawa : Je m’appelle Mitsuharu Kurokawa et suis né à Tokyo en 1985. Je suis diplômé du Babson College avec une spécialité en administration des affaires. Après avoir exercé différentes fonctions à l’intérieur et à l’extérieur de Toraya, j’ai été nommé président en 2020, devenant ainsi la 18ème génération à diriger l’affaire familiale.
Pouvez-nous présenter votre entreprise et ses activités ?
> M.K. : Fondée à Kyoto au début du 16ème siècle, la maison Toraya fabrique des pâtisseries traditionnelles japonaises (wagashi) depuis cinq siècles. Depuis l’époque de l’empereur Goyozei, qui régna de 1586 à 1611, Toraya a maintenu son statut de fournisseur de la cour impériale. En 1869, la famille impériale a quitté Kyoto pour s’installer dans un nouveau palais à Tokyo. Toraya a alors décidé de s’implanter à Tokyo pour continuer de servir la famille impériale, tout en conservant le magasin de Kyoto.
Aujourd’hui, notre activité reste la même qu’à l’époque de la fondation : la production et la vente de wagashi. En octobre 2024, l’entreprise comptait 850 employés et possédait des sites de production à Tokyo, Gotemba (département de Shizuoka) et Kyoto. Elle compte 76 magasins au Japon et un à Paris, ouvert en 1980.
Quels sont pour votre entreprise les faits marquants de ces dernières années ?
> M.K. : Les événements marquants ces dernières années pour notre société ont été la rénovation et la réouverture de deux magasins importants à Tokyo. La réouverture de notre magasin principal d’Akasaka a eu lieu en 2018. Toraya s’est implanté à Akasaka en 1879 et, depuis cette date, ce magasin a été d’une grande importance pour le développement de notre entreprise. Le nouveau bâtiment, de faible hauteur, comprend une boutique, un salon de thé, une galerie et un espace de fabrication, permettant aux clients de déguster nos pâtisseries dans une atmosphère relaxante.
Le deuxième événement est la réouverture de notre établissement phare de Ginza en 2024. Le salon de thé constitue le cœur de ce magasin. Il comporte des places en comptoir, qui offrent aux clients une occasion unique d’admirer le savoir-faire de nos artisans et d’apprécier la saveur de nos confiseries fraîchement préparées.
Pouvez-vous nous dire quelques mots sur vos projets majeurs à plus ou moins longs termes ?
> M.K. : Avec les yeux fixés sur l’horizon 2035, nous avons lancé en avril 2024 un projet basé sur une nouvelle vision. Nous rêvons d’un futur où les wagashi seront appréciés par les gens du monde entier et, pour y parvenir, nous continuerons de rechercher l’essence de ce qui rend les wagashi délicieux. En permettant aux talents uniques de toutes les personnes travaillant chez Toraya de s’épanouir, nous espérons contribuer à rendre notre entreprise, mais aussi la société et l’environnement, plus riches.
Quelles sont les raisons qui peuvent expliquer la longévité de votre entreprise ?
> M.K. : Je crois qu’il y a de nombreux points communs entre les membres de l’association les Hénokiens, comme par exemple l’accent mis sur la qualité plutôt que sur le bénéfice à court terme, ou le fait que nous avons eu la chance d’être entourés de personnes magnifiques, que ce soit les clients, les partenaires commerciaux ou les employés. C’est aussi grâce à la recherche assidue de ce qui est nécessaire dans le « maintenant » de chaque génération, et aux efforts sincères pour atteindre cet objectif, que Toraya continue d’exister aujourd’hui.
L’extraordinaire longévité de votre entreprise constitue-t-elle un argument dans la relation avec vos clients ?
> M.K. : Si une longue histoire ne garantit pas le succès à l’époque moderne, je crois que notre longévité est la preuve que nous avons travaillé avec la plus grande sincérité avec nos clients, nos fournisseurs et nos employés. De ce point de vue, je pense que le fait d’être une entreprise établie de longue date est aussi une force.
Les valeurs traditionnelles qui font la force de votre entreprise constituent-elles également un atout en matière de recherche et d’innovation ?
> M.K. : La philosophie de Toraya « Donner le bonheur de déguster de délicieux wagashi» est une attitude et une valeur-clé qui ont été transmises de l’époque de la fondation de l’entreprise jusqu’à nos jours. Tous nos employés mettent en œuvre cette philosophie au quotidien. C’est pourquoi, que nous utilisions de nouvelles technologies ou approchions les choses d’un point de vue plus scientifique, notre attitude n’a jamais dévié de cette philosophie.
La volonté de votre famille de garder l’entreprise indépendante a-t-elle nécessité au fil des siècles des choix difficiles. Si oui, pouvez-vous nous en citer quelques uns ?
> M.K. : Nous avons fait face à de nombreuses difficultés par le passé : le grand incendie de Kyoto en 1788, qui détruisit plus de 80% de la ville, la décision de s’implanter à Tokyo pour suivre l’empereur lors du transfert de la capitale en 1869, le grand tremblement de terre du Kanto en 1923, les raids aériens sur Tokyo pendant la Seconde Guerre mondiale, en 1945. Nous avons toujours considéré ces situations difficiles comme des « tournants » et des occasions de relever de nouveaux défis. La plus grande crise ces dernières années, pour nous comme pour tout un chacun, a été la pandémie du COVID-19. Il y a eu de nombreuses crises dans le passé, mais je crois que nous devons ce que nous avons aujourd’hui à la détermination de chaque génération de rechercher et de mettre en œuvre des solutions adaptées à chaque époque.
La transmission de votre entreprise à un membre de votre famille est-elle régit par des règles clairement établies ?
> M.K. : Il n’existe pas de règle écrite, mais la règle tacite est qu’une seule personne par génération de la famille Kurokawa peut diriger l’entreprise. Je ne sais pas exactement à quand remonte cette pratique, mais il est certain qu’il y a eu une personne par génération depuis que le gérant de la 12ème génération a décidé de s’implanter à Tokyo. Aucun frère, sœur ou membre de la famille autre que le chef de la famille ne travaille chez Toraya, et nous n’autorisons pas l’utilisation du nom Toraya pour établir une autre entité.
La nouvelle génération est-elle déjà dans l’entreprise ?
> M.K. : Mes enfants sont encore très jeunes. Je travaille actuellement avec mon père, qui est de la 17ème génération.
Auriez-vous un message à communiquer à toutes celles et ceux qui voudraient se lancer dans la création de leur entreprise familiale ?
> M.K. : La clé pour garantir la longévité d’une affaire familiale n’est pas de rechercher le profit à court terme, mais de croire fermement que toutes les personnes impliquées doivent être heureuses. Il est également important d’être sensible aux évolutions liées à l’époque pour faire durer une affaire familiale. Dans certains cas, plutôt que de simplement adhérer à la structure d’activité transmise de génération en génération, il est essentiel de créer une culture d’entreprise qui encourage le développement d’idées nouvelles reflétant l’époque dans laquelle on vit.